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Lettre ouverte de la Coalition à l’intention de monsieur Jagmeet Singh

Le 30 août 2021

Monsieur Jagmeet Singh
Chef du NPD du Canada
300 – 279, avenue Laurier Ouest Ottawa ON K1P 5J9

Monsieur,

C’est avec consternation que nous avons pris connaissance de votre position au sujet de l’enseignement universitaire de langue française dans le Moyen-Nord ontarien lors de votre passage à Sudbury, le 28 août dernier. En effet, lors de cette visite, vous avez raté l’occasion d’appuyer le transfert de la programmation de langue française de la Laurentian University à l’Université de Sudbury. Vous avez affirmé que votre position était de protéger et même d’augmenter la programmation en langue française. Bien que nous reconnaissions l’intention, nous nous devons de souligner que de telles bonifications à la programmation de langue française ne peuvent se faire sous la gouvernance de la Laurentian University comme vos commentaires semblent le suggérer. Voici pourquoi :

1. Depuis plus de 50 ans, les francophones de la région exigent l’établissement d’une université de langue française dans le Nord-Est ontarien parce que la Laurentian University néglige les intérêts de la population francophone qui est constamment minorisée et qui, coup après coup, subit le pire chaque fois qu’il y a des compressions budgétaires. Ce n’est pas en protégeant la Laurentian comme institution bilingue que vous allez atteindre l’objectif que vous avez énoncé.

2. Les Franco-Ontariens ont obtenu, après des décennies de luttes acharnées, la pleine gestion de leurs écoles, de leurs conseils scolaires et de l’enseignement collégial. Cette gestion par et pour les Franco-Ontariens s’est avérée un succès sans équivoque. Elle a contribué à l’épanouissement socioéconomique de la minorité tout en assurant l’atteinte d’objectifs éducationnels jusque-là hors de la portée des francophones. Le seul maillon manquant dans ce système, c’est l’enseignement universitaire, et vous venez de rater l’occasion de soutenir, de façon non-équivoque, la mise en place de ce dernier maillon avec le projet de l’Université de Sudbury qui veut devenir une institution gérée par, pour et avec les francophones.

3. La nature de vos commentaires ne peut que nuire aux intérêts de la communauté francophone ontarienne et de partout au Canada. Le message que vous venez d’envoyer, nous osons croire par inadvertance, est que votre parti n’appuie pas pleinement les aspirations de la communauté francophone du Canada.

4. Il est clair depuis des décennies que la meilleure façon d’assurer la pérennité des communautés minoritaires de langue française au Canada est que celles-ci puissent gérer leurs propres institutions, surtout les institutions dans le domaine de l’éducation. Vos commentaires et ceux de la députée Carol Hughes laissent planer le doute sur votre appui à ce concept.

5. Votre position semble pourtant aller à l’encontre de l’appui inconditionnel que votre parti accordait au principe de la gestion du « par et pour » dans le passé. Votre porte-parole, la députée Hughes, a été citée en disant que ce n’est pas au NPD de dire à la Laurentian quoi faire avec ses programmes. Peut-être, mais c’est sûrement au NPD d’adopter une position claire sur la gestion « par et pour ». Laisser à la Laurentian le choix de continuer à offrir de la programmation en français est contraire à ce principe. Il n’y a donc pas de place à l’ambiguïté. Vous êtes en faveur du « par et pour » ou vous ne l’êtes pas.

6. Lorsque la Laurentian University a annoncé ses coupes au printemps dernier, des 69 programmes tranchés, 28 étaient des programmes de langue française (soit 48% des programmes offerts en français), ce qui est hors de proportion par rapport au pourcentage que représentent les francophones à la Laurentian. Le bureau de l’Ombudsman de l’Ontario fait d’ailleurs enquête sur ces coupes, car il est possible qu’elles aient été effectuées en contravention avec ses obligations sous la Loi sur les services en français de l’Ontario. Dans ce contexte, il est impossible de croire qu’il est dans l’intérêt de la communauté que la Laurentian puisse continuer d’offrir des programmes en français. Soulignons, comme exemple, qu’un de ces programmes, celui de sages-femmes, était le seul de son genre offert en français à l’extérieur du Québec. C’est ce qu’on s’est habitué de voir avec la Laurentian.

7. Nous vous soulignons aussi que la vérificatrice générale de l’Ontario fait enquête à l’heure actuelle sur l’utilisation que fait Laurentian University des fonds fédéraux destinés à l’enseignement dans la langue de la minorité, parce qu’il est possible que ceux-ci aient été utilisés pour financer les opérations de l’université au lieu de financer sa programmation de langue française.

8. Si vous n’êtes pas d’accord avec un transfert de la programmation de langue française de Laurentian à l’Université de Sudbury, êtes-vous aussi opposé à la création d’une université par et pour la communauté autochtone qui, elle aussi, fait les frais des décisions désastreuses de la Laurentian? Il faut croire que oui en suivant votre raisonnement, mais cela aussi serait contraire à vos prises de positions dans le passé.

Voilà seulement quelques points sur lesquels nous vous demandons de réfléchir. Vos commentaires ambigus ont durement affecté les membres de la communauté francophone de la région de Sudbury qui se battent avec acharnement depuis plus de 50 ans pour l’établissement d’une université de langue française dans le Nord ontarien, parce que le modèle actuel de bilinguisme institutionnel ne fonctionne pas pour la minorité.

Nous désirons que la Laurentian University puisse exister comme une entité viable. Elle est nécessaire pour la communauté de Sudbury et la région. Cependant elle ne peut pas continuer à se présenter comme une institution bilingue. Elle ne l’est pas et il est grand temps que les francophones aient l’occasion de gérer leur propre institution. Il faut donc que toute la programmation de langue française de la Laurentian soit transférée à l’Université de Sudbury, et rapidement. Rien de moins n’est acceptable et il n’y a pas de place pour l’ambiguïté.

Nous aurions accueilli avec plaisir une rencontre avec vos conseillers avant votre séjour à Sudbury afin de vous mettre au courant de la situation, mais nous n’en avons pas eu l’occasion. Nous savons que votre parti a beaucoup appuyé la communauté francophone dans le passé. Nous osons espérer que vous prendrez un instant pour corriger le tir et que vous mettrez fin à l’incertitude que vous avez causée lors de votre visite. Nous serions heureux de rencontrer Mmes Verelli et Hughes ou tout autre membre de votre parti afin de clarifier toute question que vous pourriez avoir.

Nous vous prions, M. Singh, de recevoir nos salutations les plus cordiales.

Le porte-parole,
Denis Constantineau

705-507-7688
dconstantineau@santesudbury.ca
C.C. Médias

19, chemin Frood, Sudbury ON P3C 4Y9
planifsudbury.ca